Storytelling : que lire cet été pour raconter de meilleures histoires ?

femme qui lit livre pour améliorer storytelling

Le business et le storytelling, c’est une longue histoire d’amour.

À partir du moment où l’humanité s’est rendu compte qu’on vendait mieux en s’adressant au cœur qu’au cerveau, tout le monde y est allé de son récit.

Certains sont même passés maîtres dans l’art et pendant que nous restons suspendus à leurs mots, petit à petit, dans nos neurones les envies irrésistibles d’acheter, de réserver ou de commander prennent vie.

Vous voudriez bien arriver à un résultat similaire, mais vous ne savez pas par où commencer ? Prendre une formation ? Lire un blog ?

Nan, nan, nan !

Commencez par vous inspirer des meilleurs et ils ne vendent pas de formations, ils ne sont pas sur YouTube et n’écrivent pas de blogs.

Vous savez pourquoi ?

Parce qu’ils sont morts et certains, depuis des siècles.

Leurs histoires, en revanche, sont éternelles.

Oh ! Vous ne visez pas si haut et vous préférez simplement « que ça se vende » ?

OK.

Mon article risque de vous ennuyer alors.

Je vous dis donc à bientôt et pour les autres, on continue tout de suite avec 4 grands livres à lire cet été pour améliorer son storytelling.

 

P.S. Promis, il y aura aussi des auteurs toujours vivants 😉

 

Le Big Boss du storytelling : Boccace et son Décaméron

 

On parle de pas moins de 100 histoires !

Dix journées, dix histoires par jour.

Et l’auteur s’offre même le luxe d’un récit-cadre plutôt intéressant.

On se sent petit face à Boccace, d’autant plus que chaque récit emprunte une tonalité ou un registre différent. Je crois bien qu’on retrouve là tout ce qui peut se faire en matière d’intrigues et de tons.

Le livre s’ouvre sur un univers durement ravagé : Florence est en pleine épidémie de peste. Une compagnie de 7 femmes et 3 hommes de bonne naissance décident de fuir la ville pour se réfugier à la campagne, loin de la pestilence et du chaos qu’elle entraîne.

Nos gens de bien qui ne peuvent dignement passer leurs journées uniquement à table et dans des danses champêtres s’accordent pour chaque jour raconter chacun une histoire sur un thème prédéfini.

Dix journées. Dix histoires.

Autant vous prévenir tout de suite, il s’agit d’un vieux texte.

Nous sommes aux prémices de la renaissance italienne (milieu du XIVe siècle) et vous vous doutez bien qu’à cette époque, les valeurs mises en avant s’accordent parfois mal avec notre mentalité contemporaine.

Cependant, si vous êtes prêt à franchir cette barrière culturelle, vous découvrirez un monde d’histoires plus inventives les unes que les autres, tout en améliorant votre plume de storyteller.

 

Ce que Boccace peut pour votre storytelling

 

Vous apprendrez comment varier autour d’un même thème en jouant sur les registres ou des procédés pour retenir l’attention de vos lecteurs.

Les nouvelles de Boccace ont en effet cette particularité que bien qu’écrites, elles sont pensées pour l’oralité. Un petit peu comme ce qu’on nous demande lorsque nous écrivons pour le Web.

N’oubliez pas que ce sont des personnes, de la bonne société, qui se divertissent et qu’à chaque fois qu’un de nos personnages (on les nomme « les devisants » pour les distinguer des personnages de leurs intrigues) prend la parole, il se doit de capter l’attention de son auditoire.

Le Décaméron est d’autant plus instructif dans ce domaine qu’il a été écrit par un homme qui a inspiré toute une société qui reposait sur l’art de tenir une bonne conversation.

Les plus littéraires d’entre vous me diront sûrement qu’il en était de même quelques siècles plus tard et qu’ils ne comprennent pas ce que la cour du Roi Soleil ou les salons des Lumières auraient à envier à nos humanistes.

Il y a une nuance à apporter : les siècles qui suivent la Renaissance, même s’ils valorisent toujours les conversations mondaines agréables s’alourdissent de quelques préoccupations morales ou de bienséance qui freinent la créativité.

Chez Boccace, lorsque je vous dis que vous retrouvez tous les registres, c’est qu’il y a bien tous les registres, même des plus terre à terre, grivois ou scandaleux (rassurez-vous les devisants ne manqueront pas de vous rappeler la bonne morale des choses).

Si vous préférez soutenir des femmes écrivaines, tournez-vous vers l’Heptaméron de Marguerite de Navarre qui s’inspire directement du livre de Boccace.

 

Jouez avec les émotions de vos clients en vous inspirant La Grande Anthologie du Fantastique

 

Encore des nouvelles ?

Oui.

Et si vous voulez mon avis, les nouvelles sont ce qui narrativement se rapproche le plus de ce que nous écrivons pour le Web.

Ce sont des récits brefs qui doivent en peu de mots raconter une histoire, transmettre une émotion, initier à un univers tout en séduisant le lecteur.

Lisez des nouvelles est sans doute le meilleur conseil que je puisse vous donner. Mais pour améliorer votre storytelling, je vous en propose un type particulier : les nouvelles fantastiques.

Pourquoi ?

Parce que le fantastique a un effet magique sur l’attention des gens.

C’est un genre de la mesure et de la distribution des informations par excellence. Il faut respecter un équilibre, sinon ce n’est plus du fantastique, c’est autre chose.

 

Le fantastique en action

 

Pour vous donner un exemple, imaginez que vous êtes dans votre lit en train de lire votre bouquin préféré.

Votre partenaire est sorti avec ses amis, vous êtes en solo pour une fois, l’occasion idéale de lire ce livre qui vous fait de l’œil depuis des lustres. Vous fermez la porte de votre chambre, vous calez votre tête entre les oreillers. Vous êtes bien.

Alors que les pages défilent devant vos yeux à moitié endormis, la porte de votre chambre s’entrouvre en un léger grincement.

C’est sans doute le vent. Il a fait chaud toute la journée, vous avez ouvert pour aérer et vous avez oublié de refermer la fenêtre. Vous vous levez, fermez la fenêtre de votre chambre, puis la porte.

Vous reprenez votre lecture. Au bout de quelques lignes, la porte grince de nouveau. Vous levez les yeux de votre livre.

C’est pas vrai ! Auriez-vous encore oublié une fenêtre ?

Rebelote, vous vous levez en râlant et vérifiez toutes les fenêtres de la maison. Rien. Elles sont toutes parfaitement et correctement fermées.

Bien évidemment, vous commencez à vous interroger, mais vous rationalisez le tout. C’est une vieille maison, les vieilles maisons ont de vieilles portes avec de vieilles serrures, tout est normal.

Pourtant lorsque vous vous êtes dit « vieille maison », un malaise étrange vous a envahi. Vous chassez immédiatement ces pensées.

Vous retournez dans votre chambre et refermez la porte. Mais cette fois, vous le faites bien : vous appuyez sur la porte, vous jouez avec la poignée, tout est OK. La porte est bien fermée, elle ne grincera plus, tout va bien et vous allez juste lire votre bouquin, vous endormir et de toute façon, votre partenaire rentrera bientôt.

Vous vous retournez et aussitôt, derrière vous, vous entendez votre porte grincer.

Si je m’arrête là, nous sommes dans le fantastique.

Si je donne une explication au grincement de cette porte, nous changeons de genre. Votre partenaire vient de rentrer, vous étiez tellement stressé que vous n’avez entendu ni la clé dans la serrure ni ses pas dans les escaliers. Cela devient du réalisme. Si en revanche Dracula se tient devant vous, on sombre dans l’horreur.

 

Et sur le storytelling, ça donne quoi ?

 

Vous comprenez pourquoi le fantastique est un genre si instructif ? C’est la quintessence en matière de dosage de l’information pour un impact maximum sur l’esprit des lecteurs.

Vous voulez apprendre comment susciter l’intérêt de n’importe qui avec des mots ? Ou comment créer une émotion durable chez vos clients ? Lisez du fantastique !

Pourquoi la grande anthologie en particulier ?

Parce qu’elle recouvre différentes époques, différents auteurs et différents thèmes. Cela vous permet de varier les plaisirs d’un auteur à l’autre et de voir toutes les manières dont il est possible de jouer avec notre perception de la réalité.

Le hic ?

Elle n’a pas été rééditée, mais les anciens exemplaires se trouvent facilement (n’achetez pas les gros tomes, ils sont horriblement chers, préférez les poches thématiques qui sont plus abordables). Sinon,  tournez-vous vers d’autres anthologies fantastiques du même genre.

 

Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez ou l’art d’enchanter les choses du quotidien

 

Vous en avez assez des nouvelles et vous préférez un bon roman-fleuve ? J’ai ça dans ma besace et nous parlons d’un auteur prix Nobel de littérature !

Le roman de Gabriel Garcia Marquez m’a longtemps fait rêver. Il trônait fièrement dans la bibliothèque de mes parents, mes proches en parlaient comme d’un chef-d’œuvre, mais je n’osais pas l’ouvrir.

Je n’avais pas peur du nombre effarant de pages.

Non, ce qui me le rendait suspect était sa réputation.

Une telle merveille pouvait-elle exister ? Y avait-il donc un autre monde en dehors de celui de Balzac ou de Zola ?

La curiosité l’emportant, par une chaude journée de juillet, dans la mezzanine aux persiennes closes de notre location de vacances, j’ai finalement cédé et j’ai ouvert ce livre que mon frère avait, comme par hasard, emporté avec lui.

Je ne devais le refermer que plusieurs jours après.

J’en ai oublié de sortir, de manger, de dormir. La seule chose que je dévorais ? Ce livre.

J’avoue que les premières pages ont été ardues, puis la plume de Garcia Marquez m’a emportée.

Il faut dire qu’il me servait exactement ce que je voulais lire, une sorte de fantastique (ou de merveilleux) d’un genre nouveau pour la lectrice de classiques français que j’étais.

 

Une autre manière d’envisager le quotidien

 

Contrairement à mes lectures habituelles, le rapport à la réalité avait à la fois quelque chose de plus concret et de plus loufoque.

Pour reprendre mon exemple sur le fantastique, c’est comme si je vous expliquais comment, collante de sueur par une chaude soirée de juin, j’avais pesté mes meilleurs jurons en entendant ma porte grincer 3 fois. Je me serais alors levée pour fermer la porte et cette coquine m’aurait répondu !

Puis entrant dans un débat philosophique avec elle, je me serais aperçu de la vacuité de ma vie, me serais endormie et au réveil aurais découvert que ma porte ne voulait plus me parler, me laissant seule avec mes doutes existentiels que j’irais alors nouer dans l’alcool d’un bar crasseux où les habitués finiraient par m’appeler « celle qui parle aux portes ».

Nous sommes dans ce type de relation entre le sérieux et le loufoque, le réel et ses métamorphoses, sans jamais pourtant quitter un univers très concret.

Pour en revenir à l’intrigue de Cent ans de Solitude, attendez-vous à suivre sur plusieurs générations les péripéties des membres d’une famille vivant dans un village isolé d’Amérique latine. Quête alchimique ? Récit de la mise en place d’un commerce florissant ? Ascension et chute d’un révolutionnaire ? Vous trouverez ces différentes intrigues et bien d’autres.

 

Pour un storytelling du merveilleux

 

La dimension mythique du récit est juste énorme alors même que le texte reste toujours profondément enraciné dans le quotidien. En vérité ce roman nous montre comment le réenchanter.

Cela vous sera bien utile si vous travaillez dans des domaines en lien avec l’enfance, par exemple, puisque le roman vous montrera comment passer d’une réalité matérielle stricte à un point de vue totalement merveilleux.

L’aspect mythique du récit que j’ai évoqué plus tôt vous donnera, lui, les ficelles pour transformer n’importe quelle histoire de marque en un récit puissamment légendaire sur le long terme.

Enfin, l’aspect réaliste vous rappellera aussi les intérêts premiers de votre clientèle, qui sont souvent des réalités très prosaïques que nous pouvons avoir tendance à oublier lorsque nous nous focalisons sur le rêve que nous tentons de leur vendre (je ne parle évidemment pas de chimères, mais des bénéfices d’un produit ou d’un service de qualité).

 

La mémoire du Monde Stéphanie Janicot pour un storytelling immortel

 

Autre coup de cœur estival ! Et autre pavé 😉

Plus de 2 000 ans d’histoire retracés à travers la saga d’une jeune égyptienne qui accède à l’immortalité et traverse, au cours de sa longue vie, tous les moments qui ont jalonné l’évolution de la culture occidentale.

Une merveille !

Ballotée à travers les moments forts de l’Histoire, notre héroïne fréquente la cour de Pharaon, traverse le désert avec les Hébreux, assiste à des événements de l’Ancien Testament, se rend en Grèce, à Rome, arrive en France et se paye même le luxe d’une petite traversée de l’Atlantique.

Le roman s’achève au début du XXI siècle.

Si vous préférez une version plus masculine, tournez-vous vers L’histoire du Juif errant de Jean d’Ormesson. Vous profiterez de la langue succulente de l’auteur, tout en vous immergeant dans le récit parfois épique d’un homme tout à fait ordinaire qui, par la force des choses, devient une légende.

 

L’histoire d’une marque ou d’un fondateur sur le long terme

 

Mais revenons à La Mémoire du Monde qui possède déjà de très nombreux avantages pour les personnes qui veulent améliorer leur storytelling.

Le roman est écrit à la première personne et reprend les propos que l’héroïne adresse à sa descendante. La narratrice doit donc en permanence maintenir l’intérêt de son interlocutrice, tout en ne parlant que d’elle, de son histoire, de ceux qu’elle a côtoyés.

Vous faites le lien ? 😉

Comme un entrepreneur, un fondateur ou une personnalité, l’héroïne se raconte dans son évolution et ses changements, tout en gardant la cohérence de ses valeurs. N’est-ce pas là une bonne inspiration pour vos pages à propos ?

Rassurez-vous, sur votre site, vous n’aurez pas à produire autant de texte !

Les blogueurs et infopreneurs pourront aussi s’inspirer de ce livre pour insuffler un peu de storytelling à leurs articles.

Le livre de Stéphanie Janicot est un bel exemple de pédagogie.

Rappelez-vous, l’héroïne doit faire comprendre à son interlocutrice des périodes de l’Histoire vieilles de plusieurs siècles ! Comment raconter Athènes ? Comment raconter l’esprit des Lumières ? Comment raconter l’histoire d’un monde ancien qui ne survit qu’à travers des bribes de connaissances et le rendre palpable, réel, pour nous, hommes et femmes du XXIe siècle ?

Dans la Mémoire du Monde, vous apprendrez à faire cela, et si vous savez raconter les éléments les plus reculés de notre passé, je ne fais aucun souci sur la qualité pédagogique de votre article sur les implications de la physique quantique dans l’évolution des nouvelles technologies. 😉

 

 

Le petit bonus pour un storytelling haut en rebondissements

 

Je ne pouvais décemment pas écrire un article de recommandations livresques sans inclure un de mes auteurs préférés : Bernard Werber.

Je ne m’attarderai pas, je n’ai aucun livre en particulier à vous recommander : choisissez celui que vous voulez parce que vous trouverez forcément deux très bons ingrédients pour votre storytelling : l’art des rebondissements et la simplicité.

Un roman de Werber, ça vous prend et ça ne vous lâche plus ! Il se passe tout le temps quelque chose d’intéressant, les péripéties sont nombreuses, variées, ça bouge et vous adorez ! Un très bon exemple pour insuffler du peps à vos histoires ou pour parvenir à dramatiser (dans son sens premier) n’importe quel parcours un peu plan-plan.

L’autre bénéfice de Werber ?

La simplicité de son expression : accessible, compréhensible.

Werber vous apprend à manier la langue française avec autant de sincérité que de naturel…

Racine est un autre exemple du style, mais je suppose que vous n’avez pas envie de lire des vers du XVIIe siècle. 😉

 

 

J’aimerais terminer cet article sur une note plus personnelle. Les meilleurs textes que j’ai pu écrire ont toujours suivi des lectures inspirantes par leurs qualités narratives ou stylistiques. Je n’ai pas écrit mieux après avoir lu La rédaction Web pour les Nuls ou autres livres du genre.

En revanche, quand de grands auteurs occupaient mes soirées, nourrissaient mon imaginaire et s’infusaient dans mon esprit, j’ai constaté que, naturellement, ma plume prenait des inflexions nouvelles.

Lisez tant que vous le pouvez, accédez à des mondes extraordinaires, des styles inspirants, grandissez et transposez ces nouveaux savoirs en des textes pour le Web uniques.

 

Maintenant, la parole est à vous. Allez-vous choisir un de ces livres ? Allez-vous le lire ? Qu’en aurez-vous retenu, pour votre storytelling et pour votre vie ?